Ruine, de Tillie Cole


Éditeur : Milady
Date de parution : 4 décembre 2017
Public visé : Adultes
Nombre de pages : 442
Prix : 16,90 euros


Quatrième de couverture :  
Kisa est la fille du chef de la mafia russe de New York qui tient le Donjon - un ring clandestin - et la fiancée d'Alik, un tueur endurci. Un jour, elle croise par hasard un sans-abris couvert de tatouages et de cicatrices qui éveille en elle des sentiments inconnus. Quelque temps plus tard, elle le revoit en train de combattre au Donjon. Alors qu'il sème la peur et la mort sur son passage, Kisa brûle de désir pour cet homme que tout le monde appelle Ruine. Mais celui-ci poursuit un but ignoré de tous : il recherche celui qui lui a volé sa vie et souhaite assouvir sa vengeance qu'il attend depuis de trop longues années...

Mon   avis :

"Ils étaient destinés de toute éternité à se rencontrer : un garçon et une fille, deux cœurs coupés en deux, envoyés, chacun de leur côté, en des contrées perdues, car Dieu voulait s'assurer que l'amour vrai résiste bien à l'épreuve. Mais un jour, tandis qu'ils s'y attendaient le moins, le hasard les met en présence l'un de l'autre. Se reconnaîtront-ils ? Et, si oui, retrouveront-ils le chemin de l'amour ?" - Ruine, T. Cole


Ce roman n'est pas passé loin d'être un coup de cœur. Ceux d'entre vous qui me suivent depuis un moment savent pourtant que les ouvrages estampillés "new adult" ou encore "dark romance" ne sont vraiment pas ma tasse de thé ! Je n'aurais jamais porté mon choix sur ce livre si la quatrième de couverture n'avait pas été si alléchante. Je cherchais un bouquin qui tente de nous retranscrire une histoire dure, de celles qui nous font frissonner d'angoisse devant la nature sombre et parfois profondément mauvaise de l'Homme. C'est également un des premiers ouvrages que je croise et qui tente une incursion dans le milieu de la mafia russe. Bref, j'ai tenté ma chance et je n'ai pas été déçue, bien au contraire ! "Ruine", premier tome de la saga des "Les écorchés" de Tillie Cole, m'a fait passer par une multitude d'émotions grâce à son histoire d'une noirceur terrible, servie par deux personnages principaux des plus touchants.

Cette lecture s'est révélée hautement addictive. Dévoré en à peine quatre jours, "Ruine" est une petite pépite à l'état brut. Il est à réservé à un lectorat avisé car on y trouve plusieurs scènes très difficiles à supporter, aucune violence n'est épargnée aux personnages et les détails pullulent pour nous plonger dans cette ambiance malsaine. Là où cela me déplaît habituellement, je n'en ai pas été gênée ici puisque ces moments cruels, voire choquants, n'étaient pas inutiles à l'intrigue. Ils la soutenaient, poussaient les personnages dans leurs retranchements et le lecteur par la même occasion. Dans l'adversité, j'ai découvert Kisa et Ruine, deux diamants bruts, deux âmes-sœurs... Car, au-delà du sang et du malheur, nous assistons à une sublime histoire : celle de la destinée de deux âmes-sœurs qui se retrouvent après des années passées loin l'une de l'autre. 

Si l'une d'elles m'a le plus marquée, il s'agit bien sûr de Ruine. Vous ne pourrez que l'aimer malgré sa froideur initiale, ses manières sauvages et brutales, ses tatouages, ses cicatrices et son regard fuyant qui trahissent toutes les années de torture aussi bien physiques que mentales qu'il a subies. Les flash-back sont bien amenés, incorporés dans la narration avec subtilité : ils sont d'une qualité certaine et permettent de nous faire prendre conscience qu'il s'agit d'un colosse aux pieds d'argile, le faisant passer du statut de bête sanglante à celui d'homme brisé cherchant désespérément à se raccrocher à quelque chose, la vengeance, avant qu'il ne trouve la lumière d'un phare dans la nuit de son existence torturée. Certains penseront que c'est de la pitié que nous ressentons et qui nous pousse à nous attacher à lui, pour ma part je dirais que c'est sa fragilité derrière le masque bestial de tueur qu'il a dû porter si longtemps pour survivre qui m'a touchée et m'a fait baisser la garde. C'est typiquement le genre d'évolution que j'aime, trouver détestable un personnage dès les premières lignes puis le découvrir et m'y attacher... Cela me fait toujours pensé à cette citation : "Au moment où je comprends véritablement mon ennemi, où je le comprend assez pour le vaincre, alors, à ce moment même, je l'aime également." - La stratégie Ender, Orson Scott Card. Indéniablement, Ruine restera mon chouchou de cet opus...

Quant à Kisa, de prime abord on pourrait croire qu'elle souffre du fameux syndrome de "la demoiselle en détresse", cette atteinte pathologique hautement courante dans de nombreux romans "new adult" et qui transforme toutes les nanas dignes de ce nom en pauvres dindes mielleuses qui ont besoin d'un prince charmant (de préférence baraqué et riche tant qu'on y est à faire notre liste au Père Noël) pour les aider dès qu'elles se cassent un ongle. Pour être honnête, la passivité de Kisa peut agacer mais si on essaye réellement de se mettre à sa place, on finit par se rendre compte qu'elle est bien plus forte qu'il n'y paraît. Après tout, elle fait ce qu'elle peut pour survivre dans cet univers qui est le sien : elle sacrifie sa liberté pour faire ce qu'on attend d'elle en tant que bonne future épouse de la mafia russe de New York, la Bratva. Alors qu'initialement c'était bien Kisa qui m'avait énervée à rester si peu combattive face à la violence d'Alik, son fiancé et futur numéro Un de la Bratva, je me suis finalement aperçue que c'est davantage l'inaction de son paternel devant les supplices infligés à sa fille qui ne collait pas... Elle est une femme battue et pire même, tout le monde le sait, tout le monde le voit et pourtant elle n'est pas protégée par son père alors même qu'il est le chef de l'organisation et que la famille est censée être sacrée dans ce milieu ? Suis-je la seule à trouver ça louche ? Ce non-sens est d'autant plus flagrant quand on arrive à la fin du roman... Je n'en dirais pas plus, mais je classe ceci comme le plus gros défaut de cette histoire, sa principale incohérence.

L'histoire en elle-même importe peu, elle n'est qu'un prétexte : la vengeance de Ruine face à ceux qui l'ont accusé et expédié dans un goulag, prison où des adolescents sont forcés de se battre à mort et entraînés à devenir des tueurs sans passé, passe vite au second plan. Elle est omniprésente dans l'esprit de Ruine, certes, mais elle n'est pas la véritable pierre angulaire du récit qui désire nous parler d'amour inconditionnel et de rédemption. C'est à cause de la façon dont ces thèmes sont traités que je suis passée à côté du coup de cœur... En effet, même si l'auteur réussit un formidable tour de passe-passe en rendant addictif une histoire au rythme trop soutenu et d'une prévisibilité déconcertante, elle reste dans le classique : je t'aime, je te protègerai envers et contre tout (et puis après on fera des galipettes à s'en cramer le squelette...). J'aurais tellement voulu "autre chose"... Qu'on ne s'arrête pas à cela, qu'on n'assiste pas seulement à la renaissance de Ruine et la reconquête de son identité perdue, mais qu'on participe à sa réadaptation après tous les évènements insoutenables qu'il a pu traverser. Cela aurait mérité qu'on prenne le temps de laisser évoluer le personnage, qu'on ne précipite rien en enchaînant des chapitres convenus. Bref, je voulais de la profondeur.  Était-ce trop demandé pour un roman de "dark romance" ? Sans doute...

Dernier détail, je n'avais jamais eu l'occasion de lire un roman de Tillie Cole avant et je dois admettre que j'ai plutôt apprécié sa plume. Par contre, les constantes simplifications de la forme négative (faut croire que le "ne" n'a jamais servi qu'à faire joli dans "ne...pas") ne sont pas du plus bel effet et paraissent très artificielles : je me suis même demandée s'il ne s'agissait pas d'un défaut de traduction pour rendre les dialogues plus naturels... Dans tous les cas, c'est raté !


En conclusion, ce premier tome de la saga "Les écorchés" vous fera passer une bonne lecture si vous savez à quoi vous attendre en commençant à tourner les pages de ce roman. Ne vous y tentez pas si vous êtes une âme sensible, certaines scènes sont très visuelles et les évènements qui ont lieu au cours du récit peuvent choquer par leur violence. Pour les autres, je ne peux que vous recommander "Ruine" tant l'histoire qu'il conte de deux âmes-sœurs destinées à s'unir malgré les épreuves y est à la fois belle, dure et touchante.

Dernier détail, rendez-vous le 24 janvier en librairie pour découvrir le tome 2 intitulé "Tourmente" : cette fois-ci, le récit s'attardera sur Talia, un des personnage secondaire de "Ruine" et un certain 221.



Points positifs :
  • Une histoire addictive. 
  • Deux personnages principaux très touchants, attachants. 
  • Une peinture plutôt pas trop mal réussie du monde de la mafia russe. 
  • Enfin une dark romance où le sexe, la violence et autres joyeusetés ne sont pas là que par obligation mais bel et bien pour soutenir l'univers et le récit.

Points négatifs :
  • Un ensemble trop convenu, dont on connait le dénouement avant même de commencer notre lecture. 
  • Trop peu de rebondissements. 
  • Un manque de profondeur, le timing est serré pour faire tenir toute l'histoire dans un seul roman et cela oblige à faire des concessions dans le traitement de l'évolution des personnages, aussi torturés soient-ils.
  • Une héroïne passive, qui se laisse un peu trop porter par les évènements. 
  • Au niveau de l'écriture, l'oubli constant du "ne" des formes négatives.



Aelinor

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire