La fille d'encre et d'étoiles, de Kiran Millwood Hargrave


Titre original : The Girl of Ink and Stars
Éditeur :Michel Lafon
Date de parution : 28 juin 2018
Public visé : Jeunesse, Fantasy
Nombre de pages : 263
Prix : 14,95 euros

Quatrième de couverture :  
Alors qu'il est interdit de quitter l'île de Joya, Isabella rêve des contrées lointaines que son père a un jour visitées et cartographiées. Quand sa meilleure amie disparaît, Isabella est résolue à faire partie de l'équipe de recherches. Guidée par une carte ancienne, appartenant à sa famille depuis des générations, et par sa connaissance des étoiles, Isabella prend part à l'expédition et navigue dans les dangereux Territoires Oubliés. Mais sous leurs pas, un mythe féroce s'agite dans son sommeil...


13/20

Mon   avis :

"- Crois-tu au destin ?
- Oui. Non. Peut-être...
- Réponds-moi, petit.
- Mon père dit que c'est un mot utilisé par ceux qui ne veulent pas assumer la responsabilité de leur propre existence.
"
- La fille d'encre et d'étoiles, K. Millwood Hargrave



Il faut que je l'avoue, l'achat de ce roman n'était absolument pas prévu : le titre ne figurait pas dans ma Wish list (comme c'est le cas pour un nombre incalculable d'autres bouquins !) et j'ai simplement été faible en apercevant sa couverture en tête de rayon à la librairie... Parce qu'il faut l'admettre, "La fille d'encre et d'étoiles" est avant tout un magnifique objet-livre ! S'il ne s'agissait que de l'aspect peau de pêche de sa couverture et des lettres métallisées, il ne sortirait pas du lot mais les pages intérieures sont simplement splendides : changement de la typographie habituelle, pages couvertes de tracés rappelant la cartographie et plans d'îles dans les deux rabats internes,... Que demander de plus pour avoir des étoiles dans les yeux ? Avant de débuter ma lecture, j'admets toutefois avoir eu quelques craintes à propos de l'aspect très chargé autour du texte mais notre œil de lecteur s'adapte finalement très vite, même si ce roman reste selon moi à déconseiller aux adolescents dyslexiques pour cette raison. 

Je vais être honnête, entre la beauté du livre et la quatrième qui me laissait entrevoir un récit fantasy sur fond de découverte de l'art de la cartographie, j'avais placé quelques attentes dans ce roman mais pas excessivement non plus, me rappelant qu'il était tout de même estampillé "jeunesse". Et au final, c'est bien ce qu'il est : un pur roman jeunesse, impossible à classer en young adult et qui séduira sans doute beaucoup mieux son public-cible (à vue de nez les 13-15 ans qui veulent s'initier à la fantasy) que moi.
Pour commencer, l'héroïne d'à peine treize ans et d'une maturité certaine, Isabella, est la fille d'un cartographe et vit sur une île que personne ne peut quitter à cause des dures lois du Gouverneur arrivé quelques dizaines d'années auparavant. Sur fond dictatorial, celui-ci a banni toute une partie de la population dans les Territoires oubliés situés dans une autre zone de l'île à laquelle il est interdit d'accéder sous peine de finir dans le Dédalus, une prison souterraine semblable à un labyrinthe. Dès lors, les questions surgissent et on perçoit le potentiel de cet univers où les légendes et mythes anciens se confrontent aux esprits cartésiens. Malheureusement, si on croisait les doigts pour s'y plonger entièrement et en apprendre plus, c'était peine perdue ! D'un côté, on se retrouve donc avec un monde pas si éloigné du nôtre à travers les noms de ses continents (Amrique pour Amérique, Afrika pour l'Afrique, l'Europa pour l'Europe,... je n'ai toujours pas compris l'intérêt de créer un univers de fantasy si c'est pour ne pas l'assumer et ne faire que de légères modifications de ce style...) et qui va rester dans un brouillard durant la totalité de notre lecture. 

Ainsi, l'histoire débute par le meurtre de Cata, une camarade de classe d'Isabella...dont nous ne saurons jamais rien ! Un simple prétexte donc pour pouvoir ensuite débuter une quête dans les Territoires oubliés à la frontière desquels elle a été tuée... Le souci majeur est qu'on aurait pu pardonner cette facilité si elle n'avait été utilisée que dans ce passage initial, mais ce n'est pas le cas ! On poursuit donc notre récit avec des évènements souvent confus et dont on a du coup bien du mal à comprendre les raisons et enjeux. De plus, je ne sais pas ce qu'il en est pour vous mais, pour ma part, j'ai un mal fou à suivre le déroulement d'une histoire dont certains évènements me paraissent obscurs, voire carrément fouillis... Or, cela a été le cas et particulièrement dans la seconde et troisième parties où les actions s'enchaînent à un rythme effréné : cela garde le lecteur en haleine mais le perd aussi (enfin moi j'ai été paumée à certains moments et pourtant j'ai l'habitude de lire des romans fantasy avec des quêtes plus ou moins poussées !). Trop souvent, on y retrouve une situation qui change en un tour de main sans comprendre réellement comment on a pu en arriver là tandis qu'on fait parallèlement la rencontre de nouveaux protagonistes dont on ne connaitra finalement rien d'autre que les prénoms alors qu'il y avait matière à creuser. Bien que porté par une ribambelle de personnages,  "La fille d'encre et d'étoiles" n'en montre aucun qui est exploité à hauteur de son réel potentiel. Déception... Déception... D'autant plus que je ne suis pas parvenue à éprouver une once d'empathie envers eux et encore moins à m'y attacher, ce qui est problématique dans un récit d'aventure (ne pas trembler en songeant à leur sort rend la lecture carrément moins palpitante, vous ne trouvez pas ?) ! Je ne vous parle même pas des cent dernières pages dans lesquels je crois que j'étais aussi paumée qu'Isabella elle-même !

Passons tout de même aux notes positives puisque, même si ce roman ne m'a pas emballée, je dois dire que j'ai été agréablement surprise de la plume de l'autrice qui, tout en gardant un cachet jeunesse, a su prendre une allure douce, presque poétique, de conteuse. Elle contribue ainsi à créer l'immersion à travers le mythe de l'île de Joya et à nous faire voyager, même si j'aurais apprécié des descriptions plus complètes. L'abord de la cartographie aurait pourtant pu le permettre, seulement c'est tellement succinct qu'on ne s'y prend pas vraiment même si cela a été bien sympathique d'avoir pu découvrir cet art. Autre point extrêmement positif : pour une fois, l'habituelle romance adolescente a été remisée au placard au profit d'une mise en avant de l'amitié et les valeurs d'entraide ! Je ne peux qu'adhérer à cent pour cent à ce choix (car oui, les amoureux transis à la Twilight ou les coups de foudre express d'une crédibilité proche du néant, j'en peux plus), dommage d'ailleurs que plus d'auteurs ne l'imitent pas.


Pour conclure, il s'agit là d'un roman qui plaira sans doute aux adolescents fans d'aventures sur fond de mythes anciens, de récits très dynamiques où on passe rapidement d'un évènement à l'autre sans transition et qui ne se formalisent pas que l'univers fantasy soit peu développé. Bref, une introduction intéressante à la fantasy sans être pour autant une panacée alors qu'elle aura facilement pu le devenir. Avec une excellente base au départ mais qui, mal exploitée, devient la plus importante faiblesse de "La fille d'encre et d'étoiles", l'écriture plutôt entraînante de l'autrice ne parvient pas à rattraper les défauts et on se retrouve face à des personnages transparents, sans grand intérêt, dont l'histoire est bouclée expéditivement dans un monde fantasy qu'on sentait plein de promesses qui ne sont malheureusement pas tenues.


Points positifs :
  • Une histoire d'amitié, ce qui change de l'éternelle et usée romance adolescente. 
  • Une petite découverte de la cartographie bien sympathique. 
  • L'écriture de l'autrice avec un style recherché. 
  • Un magnifique objet-livre.

Points négatifs :
  • Des personnages insipides. 
  • Un univers sous-exploité. 
  • Des moments de grande confusion, surtout dans la seconde et la troisième partie du roman. 
  • Une résolution floue et expéditive. 
  • Même si le changement de typographie et l'illustration de l'intégralité des pages sont réussies, cela rend la lecture plus coûteuse cognitivement et ce roman est donc à déconseiller aux adolescents présentant des troubles du langage écrit.



Aelinor

2 commentaires:

  1. En effet c'est dommage de ne pas développer sa mythologie pour un univers fantasy ! D'après ce que tu dis je ne pense pas l'acheter, alors que j'aurais très certainement craqué sur la couverture et le synopsis ^^

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    1. Effectivement, j'ai été très déçue : d'autant plus qu'on trouve dans les romans jeunesse des univers parfois surprenants tant ils sont riches. J'ai trop tendance à me laisser avoir par la couverture ces derniers temps, que ce soit pour celui-ci ou "Marqués" de A. Broadway, les deux n'ayant finalement pas été à la hauteur à mon goût.

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