13 reasons why, de Jay Asher


Titre original : 13 reasons why
Éditeur : Albin Michel
Date de parution : 3 avril 2017
Public visé : Young adult / Jeunesse
Nombre de pages :288
Prix : 14,50 euros


Quatrième de couverture :  
Clay Jensen reçoit sept cassettes enregistrées par Hannah Baker avant qu'elle ne se suicide. Elle y parle de treize personnes qui ont, de près ou de loin, influé sur son geste. Et Clay en fait partie. D'abord effrayé, Clay écoute la jeune fille en se promenant au son de sa voix dans la ville endormie. Puis il découvre une Hannah inattendue qui lui dit à l'oreille que la vie est dans les détails. Une phrase, un sourire, une méchanceté ou un baiser et tout peut basculer...

16/20

Mon   avis :

"Quand une chanson vous fait pleurer, mais que vous n'avez plus envie de pleurer, vous cessez de l'écouter. Mais échapper à soi-même, c'est impossible. On ne peut pas décider de ne plus se voir. De couper le son à l'intérieur de sa tête. " - 13 reasons why, J. Asher


J'ai lu ce roman il y a plusieurs mois, juste avant de regarder la série éponyme et, à l'époque, je n'avais pas eu l'occasion de me pencher sur une chronique : peut-être notamment parce que j'avais préféré l'adaptation au récit écrit lui-même (et croyez-moi sur parole, c'est la première fois que cela m'arrive !). Là où je trouvais que le roman nous dressait un portrait trop unilatéral des évènements et ne nous encourageait pas à voir toutes les facettes de cette histoire qui, finalement, ne concerne pas que Hannah Baker, cette lycéenne qui met fin à ses jours mais pas sans avoir pris le temps de faire expédier des cassettes audio sur lesquelles elle enregistre les treize raisons qui, selon elle, l'ont conduite à commettre l'irréparable.   

Ce roman est ainsi conçu que nous suivons Clay, un des jeunes apparaissant sur les cassettes et qui va devoir les écouter une à une pour comprendre pourquoi il figure sur la liste des raisons d'Hannah. Le rythme particulier du "cassette après cassette" est une structure innovante et tellement efficace : on se retrouve, tout comme Clay, à ne pouvoir stopper l'écouter (ou devrais-je dire la lecture, bien que l'immersion soit parfois si totale qu'on a réellement l'impression d'entendre les paroles de l'adolescente) aussi bien pour découvrir ce qu'elle reproche à Clay qui nous paraît bien innocent, que pour tenter de comprendre ce qui a pu la conduire à s'ôter la vie. Avec un découpage minutieux alors même que l'ensemble des évènements se retrouveront liés, Jay Asher nous montre que l'effet papillon peut avoir des conséquences considérables et insoupçonnées pour celui qui a fait tomber le premier domino et engendre une chute inexorable... Une chute que n'importe qui peut ensuite amplifier davantage...

Ici, on ne cherche pas à sauver le personnage, on connaît sa fin tragique et même si c'est extrêmement douloureux qu'elle ait pu faire cela, ce choix narratif permet de se concentrer sur le sujet délicat du suicide chez les adolescents. L'auteur ne s'en contente d'ailleurs pas et parvient à aborder avec une certaine justesse le harcèlement scolaire, les agressions,... Si j'ai trouvé que l'idée de base était excellente, j'avoue avoir été déçue par la montée en puissance. Cela m'a donné l'impression qu'il en fallait toujours plus. Je l'ai vécu comme une surenchère malsaine et cela jusqu'aux ultimes cassettes où on touche carrément le fond... Pour moi, trop c'est trop... Si le message de base était de provoquer une prise de conscience vis-à-vis du mal-être adolescent et de ses possibles conséquences, je ne suis pas sûre que toute cette théâtralisation autour du suicide d'Hannah (parce que, mine de rien, c'est exactement le rôle que vont revêtir ces cassettes) serve cet objectif. De même, on sait que la sensibilité exacerbée des adolescents (et ce n'est pas moi qui le dit, il y a plus d'une étude sur le sujet, aussi bien sur l'importance accrue de l'environnement social et son impact sur leur développement psychique que sur la prépondérance du harcèlement scolaire à cet âge) peut les conduire à des extrêmes. Alors pourquoi en avoir toujours fait plus ? Pourquoi avoir eu besoin de trouver inlassablement des évènements plus glauques ? Les dix premiers n'auraient-ils pas été assez parlants, pas assez épouvantables pour que son suicide ne soit pas banalisé ? J'avoue que je n'y trouve aucune réponse si ce n'est la volonté de choquer le lecteur. Je reste certaine que cela n'était pas nécessaire, bien au contraire j'ai trouvé que cette accumulation décrédibilisait l'ensemble et tentait de justifier de manière plutôt malsaine son geste.

Enfin, un des éléments qui m'a gênée durant toute ma lecture est que l'ensemble de l'écoute des cassettes se fait sur une unique nuit. Nuit durant laquelle, nous sommes bloqués avec Clay et la voix d'Hannah qui ne cesse de s'échapper de ses écouteurs... Bien sûr, cela permet l'immersion, je ne le nie pas. Cependant (vous avez bien compris que j'ai quelque chose à en redire), j'ai trouvé cela tellement réducteur de ne pas pouvoir avoir la version des autres protagonistes. Attention, je ne cherche pas à dédramatiser ce qu'Hannah dit dans les cassettes, ni même à dénigrer la manière dont elle a ressenti ce qu'il s'est produit : toutefois c'est sa vérité à elle, pas forcément celle des autres... Heureusement, Clay nous donne quelques pistes à ce sujet, sans que cela soit suffisant pour pouvoir appréhender le problème dans sa globalité.


En conclusion, c'est un roman que je recommande mais avec des bémols, notamment si vous avez vu la série. En effet, dans ce dernier cas de figure, j'ai presque envie de vous dire qu'il est inutile de vous précipiter sur la version écrite. Certes, je lui reconnais un aspect immersif que je n'ai pas retrouvé avec la version télévisée mais qui vous laissera sans doute un goût amer tant sa vision restreinte peut être très dérangeante et injuste pour les personnages encore bien vivants. Bref, un roman qui fera réfléchir mais sur lequel il faut à mon sens prendre beaucoup de recul pour pouvoir dégager un véritable message qui se perd en chemin.

C'est là que la série réussit d'ailleurs un tour de force magistral lors de sa première saison, qui suit presque intégralement la trame du livre de Jay Asher : elle parvient à être plus profonde que le roman dont elle est inspirée et à transcender les questions qu'il soulève sans nous offrir forcément une réponse. Ce seront nos débats ultérieurs, avec d'autres lecteurs/spectateurs ou même des proches, qui devront nous aider à nous débrouiller avec toutes les interrogations restées en suspens et dont je doute que certaines aient réellement une explication... Même si cela peut paraître brut, cet aspect m'a enchanté dans le sens où il s'agit d'une réelle invitation à la réflexion personnelle.


Points positifs :
  • Une immersion totale. 
  • Une écriture fluide qui nous permet d'enchaîner les pages sans nous lasser. 

Points négatifs :
  • Une vision trop restreinte et engagée dans une réflexion préconçue qui ne nous permet finalement pas d'accéder à une compréhension globale de la problématique. 
  • Une surenchère qui n'était absolument pas nécessaire !


Aelinor

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