Boys out ! , de Rawia Arroum


Éditeur : Hachette Romans - collection "Black moon"
Date de parution : 8 octobre 2014
Public visé : young adult
Nombre de pages : 320
Prix : 16 euros

Quatrième de couverture :  
Depuis l’Éradication, le monde est gouverné par les femmes et pour les femmes uniquement. Les hommes n’ont plus le droit de cité. Tous sont bannis, ou bien traqués et placés en détention pour assurer leur seule fonction : la reproduction. Ensuite, systématiquement, ils sont éliminés. Comme toutes les jeunes filles de son âge, Lyra s’entraîne dur pour être capable d’affronter et de maîtriser les mâles qui rôdent encore. Jusqu’au jour où elle doit rencontrer un homme pour procréer à son tour… 

Mon   avis :

Dans la société où a grandi Lyra, les hommes sont des êtres interdits. Leur vouant une haine viscérale pour leurs actes passés, les femmes sont éduquées dans la haine de la gente masculine pour devenir de parfaites citoyennes. Bien qu'ils soient traqués, quelques hommes continuent à se terrer dans l'espoir d'échapper au funeste destin qui les attend s'ils sont capturés et emprisonnés dans la Structure, ce lieu où ils seront attribués à des jeunes filles ayant atteint leur majorité pour assurer la seule fonction qui leur est reconnue : procréer. Jusqu'à présent, Lyra fait partie des patrouilleuses et quand elle réussit sa première capture, la fierté d'être femme l'envahit. Seulement, son anniversaire approche et avec lui sa convocation pour devenir mère à son tour...

"Boys out !" est un roman qui surprend au premier abord. On découvre une idée originale avec un contexte dystopique encore inexploité. Il me tardait donc de pénétrer dans cet univers, d'en saisir les rouages et d'explorer les failles qui conduiraient indubitablement à une remise en cause du système.

Toutefois, mon enthousiasme a été de courte durée. Tout d'abord, on nous informe que ce monde a été créé grâce à un important mouvement féministe : c'est là que le bât blesse. Féminisme est avant tout synonyme d'obtention d'une égalité entre les sexes, or ce qu'on nous sert dans cette dystopie est de l'ordre de la supériorité féminine. De la société féministe promise, il ne reste rien : nous avons affaire à un monde matriarcal empreint de mysandrie, où la femme ne peut se réaliser qu'en devenant mère, d'une fille naturellement ! Les clichés sexistes sont légion : entre les femmes obligées à porter des robes et les horribles "mâles" aux "mâchoires carrées" et aux "poils au menton", j'ai préféré en rire que d'en pleurer...

C'est avec la procréation qu'on atteint un summum qui m'a pétrifiée. On nous sert du viol. Oui, vous avez bien lu : dans cet univers où on respecte soit-disant les femmes et où on les idolâtre, c'est le viol qui est le mode de reproduction pour faire perdurer l'espèce (je vous passe la raison qui est donnée et qui m'a arrachée un rire nerveux)... Ainsi, les filles sont appelées à leur majorité, on leur attribue un mâle et hop hop hop...en étant consciente ou sous somnifère, ça va de soi ! Sérieusement, comment peut-on choisir une telle option dans un roman au 21ème siècle ?! C'est l'erreur que je ne pardonne pas à "Boys out !".

Autre problème de taille, l'homosexualité est tout bonnement passée sous silence, exclue de cet univers comme on balayerait une poussière gênante dont on ne sait que faire. Quant aux vagues explications données, elles ne sont que des justifications maladroites tentant de mettre un peu d'ordre dans ce monde décousu (ainsi deux femmes ne peuvent avoir un appartement ensemble car cela ferait trop penser aux mariages d'antan : heu...pardon ?!).

J'avoue que mon énervement par tant d'aberrations m'a clairement empêchée de mener ma lecture avec plaisir jusqu'à ce que je renonce à trouver une cohérence à cet univers. J'espérais que cet abandon me permettrait de me plonger dans l'histoire plus légèrement. Ce pari a été payant : j'ai lu ce livre en moins de vingt-quatre heures car, il faut reconnaître cette qualité à l'auteur, elle offre d'une écriture agréable et enchaîne les événements avec fluidité. On est captivé, les pseudo-rebondissements incongrus se succèdent (bonjour les tests de grossesse influencés par le subconscient) mais malgré tout cela on enchaîne les chapitres pour en découvrir plus, pour avoir des réponses à nos questions.

Parmi celles-ci, c'est le désir d'en apprendre davantage sur les personnages que nous croisons qui a prédominé. Lyra est présente dès la première page et même si elle m'a séduite dans un premier temps par son caractère bien trempé et son avis radical quant aux mâles, son évolution brutale vers une jeune demoiselle niaise à souhait m'a laissée sans voix. Avec Loan, elle frôle tout ce que je déteste dans une romance : le coup de foudre au premier regard, la paralysie cérébrale qui va avec, les idéaux chamboulés sans raison et pour couronner le tout la faible demoiselle dans les bras protecteur de son violeur (rien ne vous choque ?). Crédibilité de cette rapide idylle entre Lyra endoctrinée et Loan condamné ? Zéro.
Même Loan ne relève pas le niveau. Il est insipide, complètement décalé et incohérent lorsqu'il s'indigne après coup en affirmant qu'il n'est pas un criminel alors qu'il nous a prouvé le contraire auparavant. En plus de trois cents pages, je ne suis pas parvenue à le cerner et il n'a suscité en moi que du scepticisme : peut-être est-ce son air "mec parfait" qui ne collait pas, comme si la souffrance que les femmes font subir aux hommes dans son monde ne l'atteignait pas ? Même après avoir fini ce livre, je m'interroge encore sur sa sincérité, sans doute son côté théâtral m'a-t-il perdue.
Quant aux personnages secondaires, certains ont réussi à avoir cette pointe de caractère que j'admire et qui tend à me fasciner. C'est le cas de Yas, que j'ai trouvé attachante et que j'aurais aimé connaître davantage. C'est aussi et surtout celui d'Alex qu'on rencontre tardivement : malheureusement, son cas est expédié avec une rapidité déconcertante. J'ai eu la sensation désagréable qu'on m’appâtait avec du chocolat pour finalement le dévorer sous mon nez (maintenant vous connaissez tous ma faiblesse).

Cela  étant l'histoire se laisse lire, même si notre curiosité ne sera pas satisfaite : la majorité de nos interrogations ne trouveront aucune réponse. Les métaphores se dévoilent, les échos stylistiques se font ressentir tout au long du récit et c'est un bon point. Il en va de même pour les citations dont l'une prend tout son sens dans les derniers paragraphes : on ressent que cet ouvrage veut poser une véritable réflexion, intention louable mais bien trop maladroite et mal documentée.
La fin est brutale, amenée comme un cheveu sur la soupe... Habituellement, j'aime beaucoup les fins ouvertes ; pourtant celle-ci est l'exception qui confirme cette règle. Elle est amenée sans ménagement. Se concluant soudainement, la trame s'évanouit dans une hâte à finir l'histoire sans plus se soucier du lecteur. Il ne restera à ce dernier qu'à imaginer tous les éléments manquants du puzzle qu'il aurait souhaité découvrir et sur lesquels il ne pourra poser que des hypothèses. Frustrant.


Bref, vous l'aurez compris ce roman a été une déception en partie parce qu'il manque de crédibilité et ne se suffit pas à lui-même. Même si je ne suis pas parvenue à le lâcher d'un bout à l'autre car l'auteur sait conserver un rythme entraînant, je ne me suis en revanche pas attachée suffisamment à l'histoire, ni à ses personnages. Quant à la fin, elle m'a laissé un goût d'inachevé. 

Malgré tous les défauts relevés, si l'auteur venait à publier un second tome (ce qui semble prévu), je succomberai sans doute à l'envie de le lire. Cela peut paraître contradictoire avec ma chronique incisive, toutefois je pense réellement que cette dystopie inédite et française aurait gagné à être mieux travaillée, plus construite et aboutie... Ce qui, je l'espère, sera le cas dans une suite : après tout, l'auteur est jeune et nous avons tous le droit à une seconde chance !



Points positifs :
  • Un récit entraînant, addictif, soutenu par une écriture fluide
  • Un thème original

Points négatifs :
  • Une liste d'incohérences qui assassine la crédibilité de l'histoire
  • Des clichés sexistes omniprésents
  • Des personnages théâtraux, manquant d'authenticité
  • Un fin ouverte qui nous laisse sur notre faim
  • Le thème du viol traité avec une légèreté révoltante




Ouvrage lu dans le cadre des Challenges "Je t'aime moi non plus" & "Et le monde changea" 
de Mort Sûre





Aelinor

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