Marche ou crève, de Stephen King (Richard Bachman)


Éditeur : Le Livre de Poche
Date de parution : 6 décembre 2004
Public visé : adultes
Nombre de pages : 378
Prix : 7,10 euros

Quatrième de couverture :  
Stephen King sous le pseudo de Richard Bachman.
" Il m'a fallu du temps pour comprendre, mais c'est allé plus vite une fois que j'ai surmonté ce blocage mental. Marche ou crève, c'est la morale de cette histoire. Pas plus compliqué. Ce n'est pas une question de force physique, et c'est là que je me suis trompé en m'engageant . Si c'était ça, nous aurions tous une bonne chance. "
Ainsi Mc Vries définit-il l'horrible marathon auquel il participe ; marcher le plus longtemps possible, sans jamais s'arrêter, en respectant des cadences. Fautes de quoi, les concurrents de cette longue "longue marche" sont abattus d'une balle dans la tête.
Des cent concurrents au départ, il ne restera qu'un seul à l'arrivée qui aura, pour prix de son exploit, la possibilité de posséder tout ce qu'il désire. S'il désire encore quelque chose...


Mon   avis :

L'Histoire n'est pas celle que nous connaissons : la seconde guerre mondiale a eu de graves répercussions... Dans le monde de Garraty, les Etats-Unis sont régis par un régime totalitaire et dictatorial. Chaque année, une centaine de marcheurs sont sélectionnés parmi des volontaires pour participer à "La Longue Marche". Cet événement retransmis sur les ondes dans tout le pays est un jeu sadique où la règle est simple : marcher pour espérer remporter la victoire et toutes ses promesses de vie nouvelle, ou abandonner et mourir. Garraty fait partie de ceux qui se sont engagés et qui vont devoir dépasser leurs limites physiques mais aussi mentales. C'est un voyage bien au-delà de l'asphalte qui commencent et durant lequel il apprendra beaucoup sur les Hommes et sur lui-même...

Grande amatrice des romans de Stephen King, j'essaye pourtant de garder un œil critique quant à ses écrits car, même lorsqu'on est un auteur à succès, on ne peut pas créer que des chefs d’œuvre. Publié sous le pseudonyme de Richard Bachman, "Marche ou crève" s'est révélé être un bijou : un trésor malsain à la fois cruel et lucide.

Inhumain, insensible, insensé. Ce sont les trois mots qui me sont immédiatement venus à l'esprit quand j'ai fait mes premiers pas dans la Longue Marche, car oui nous aussi nous parcourons l'asphalte. Nous marchons aux côtés de Garraty, McVries, Stebbins, Baker, Barkovitch... Au début, ils nous indiffèrent, attisent notre curiosité ou nous écœurent. Telle la Foule, nous scrutons leurs faits et gestes. Puis au fil des kilomètres, nous apprenons à les connaître et nous les apprécions. De spectateur, nous devenons Marcheur. Nous partageons leurs douleurs, leurs angoisses, la peur qui les gagne et finalement cette sensation de vide immense où n'importe quelle pensée est bonne à créer un semblant de Sens à cette mascarade brutale et violente.

Sujet très actuel, "Marche ou crève" nous interroge sur le voyeurisme de plus en plus présent dans notre société et sur notre besoin de reconnaissance par nos pairs. 
Il n'est pas difficile de distinguer la métaphore de la guerre que dessine ce roman. Vous promettez un combat à des adolescents sans but, vous leur faites miroiter l'admiration de tout un peuple qui se passionnera pour vos actes, vous leur laissez presque à portée de main la gloire qui couronnera leur "bravoure" et vous tenez de cette façon la meilleure des troupes, de la poudre à canon qui se sacrifiera pour effleurer la notion de "réalisation de soi". Entre exploration de notre instinct de survie et voyage initiatique, ces gamins vivront des événements qui les marqueront, les traumatiseront mais ceux-ci leur inculqueront également des valeurs d'amitié, d'entraide, de camaraderie et leur permettront de devenir des hommes, trop tôt pour leurs faibles épaules.

La vérité est finalement terrifiante : nous lisons ce roman parce qu'il nous permet de disséquer l'être humain. Nous sommes déjà perdus, autant captivés par cette Marche morbide que les spectateurs qui s'amassent le long de cette route à l'asphalte sanglante en se délectant de la souffrance des concurrents inconscients de ce qu'ils allaient devoir affronter. Ne soyez pas choqués ! Allumer votre téléviseur à une heure de grande écoute, il y aura au moins une chaîne capable de vous proposer un nouveau concept dans lequel vous entrerez dans l'intimité de parfaits inconnus. L'absurdité qui résulte de ces programmes n'a cessé de croître et, alors que j'avançais dans ma lecture, une effrayante question a surgi au fil des pages : et si on proposait un tel show, choquerait-il notre société "moderne" et "évoluée" ? Non, il existe déjà. Il suffit de regarder les journaux télévisés qui renchérissent de violence, font la promotion des conflits et des drames quotidiens sans réellement se préoccuper des humains qui s'en trouvent brisés et de l'humanité assassinée.

Enfin, faisons preuve d'honnêteté. On ne finit pas ce roman pour savoir qui remporte la Longue Marche (si tant est qu'on puisse sortir victorieux d'une telle épreuve). On attend la conclusion avec fascination et terreur parce qu'on n'a pas le choix, parce que nous aussi nous sommes piégés et qu'on donnerait tout pour réussir à surmonter cette peur du néant, celui qui nous tend les bras pour que nous nous abandonnions à lui et qu'il efface notre existence. Parce qu'en réalité, nous ne sommes qu'un parmi tous, nous ne comptons pas.


Malgré toute la dureté de cette histoire violente et tragique de cent jeunes qui cherchent un sens à leur existence, tous les éléments sont amenés avec une subtilité qui contraste avec les scènes de mise à mort : arrêter de lutter, c'est prendre son ticket. Ce n'est finalement pas différent de notre combat quotidien... C'est ainsi que ce roman nous jette une cuisante vérité au visage : nous allons tous mourir et la seule chose qui comptera alors est le Sens de ce que nous aurons vécu...s'il y en a un.



Points positifs :
  • La patte de Stephen King et ses références
  • Des personnages authentiques et attachants
  • Des dialogues tantôt mesurés tantôt crus, mais toujours très justes
  • Une métaphore splendide

Points négatifs :
  • Le contexte est flou, de même que l'origine de la Longue Marche. Personnellement, je vois cela comme un point fort qui permet de donner une résonance universelle à ce roman mais je sais que d'autres lecteurs y verront une ellipse gênante. 
  • Un fil conducteur linéaire, même s'il est tout à fait justifié. 





Aelinor

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