Traqué - Tome 1, de Andrew Fukuda


Éditeur : Michel Lafon
Date de parution : 4 avril 2013
Public visé : young adult
Nombre de pages : 349
Prix : 7 euros

Quatrième de couverture :  
Gene est l’un des derniers humains sur Terre. Le seul moyen de survie pour cet adolescent : se faire passer pour l’un de ses prédateurs. Ne pas rire, ne pas transpirer, ne pas montrer qu’il est un humain, un « homiféré ». Cela fait dix-sept ans qu’il vit secrètement parmi ceux qui n’hésiteraient pas à le tuer s’ils découvraient sa véritable identité. Malgré tout, Gene est parvenu à se fondre parmi ces « autres » et à créer un semblant de vie normale. Mais sa routine est bouleversée, et sa sécurité, menacée, le jour où il est sélectionné pour participer au grand jeu : la Traque. Toutes les décennies, le gouvernement organise une immense chasse où seule une poignée de privilégiés peuvent pister, abattre et dévorer les rares humains survivants gardés en captivité pour l’événement. Formé à l’Institut pour traquer ses semblables, Gene est sur le qui-vive. Car désormais, sa vie s’organise en meute avec les chasseurs, et le moindre faux pas pourrait trahir sa condition et lui être fatal. Parviendra-t-il à maintenir l’illusion, alors que les soupçons sur sa vraie nature s’alourdissent ? Gene a la rage de vivre… mais vaut-elle le prix de son humanité ?

Mon   avis :

Gene est un humain, non que dis-je un homiféré. Un être désirable pour son sang. Dans un monde très semblable au nôtre, des créatures ont éradiqué l'espèce humaine. Bien qu'ayant une apparence proche, nos mœurs, nos comportements et notre capacité à ressentir des émotions diffèrent en tous points. Plus que tout, ces créatures nous désirent, brûlent d'envie de nous dévorer. Seule une rigueur infaillible, apprise depuis une enfance qui n'a rien eu d'insouciante, peut permettre de survivre dans cet univers où chaque esquisse de sourire, élan irrépressible de toux ou encore léger éclat de rire peut vous coûter la vie. Gene est de ceux qui sont parvenus à se conformer à ces contraintes, à les répéter jour après jour en s'enfermant dans une existence solitaire pour éviter d'être découvert et il est peut-être le seul. Il n'a plus personne, plus rien d'autre que cette existence mensongère dans laquelle il bride ses émotions au point de perdre parfois la seule chose qu'ils ne pourront jamais lui prendre : son humanité. Alors quand Gene est sélectionné pour participer à la Grande Traque, un événement durant lequel seront chassés des homiférés élevés comme du bétail spécialement pour l'occasion, tout son stratagème se désagrège peu à peu... Deviendra-t-il le prédateur ou la proie ?




Voici une dystopie qui avait clairement titillé ma curiosité avec sa quatrième de couverture laissant présager une aventure proche d' "Hunger Games" à la sauce fantastique/science-fiction. Sans le vouloir, j'avais donc nourri des attentes importantes concernant ce roman et étonnement elles n'ont pas été déçues, bien au contraire.

Dans cette histoire, point de prélude : dès les premières pages, nous sommes plongés dans un univers inquiétant, angoissant et profondément déstabilisant gouverné par des créatures qui nous sont étrangement semblables et qui pourtant n'ont qu'un désir, boire notre sang d'homiférés puis dévorer notre corps jusqu'au dernier fragment de chair et d'os. Qui sont-elles exactement ? Aucune révélation n'est faite et, même si la comparaison avec les vampires est tentante, elle se limite à des traits généraux tels que la présence de crocs ou encore l'allergie solaire. Dans cette atmosphère pesante où le danger est omniprésent, l'auteur joue avec notre soif de connaissance : ce besoin viscéral de tout savoir de notre prédateur pour mieux l'appréhender, le maîtriser au moins par la pensée. Toutefois, même si la crédibilité de ces créatures est assurée par myriade de détails sur leur comportement, nous refermerons ce roman avec autant de questions sur leur nature que sur leur avènement sur Terre. Si vous êtes un adorateur des univers dont l'origine est clairement exposée et chaque élément disséqué, fuyez !

Pour ma part, je salue ce choix. Nommer ces créatures, ce serait les démystifier, les déposséder de cette part d'inconnu et d'innommable qui les caractérise et les rend d'autant plus dangereux. L'auteur ne commet pas cette erreur. Il nous laisse apprécier leurs penchants malsains, en décrivant leur désir sanglant avec une finesse écœurante. Rien ne nous est caché de leur bestialité qu'ils dissimulent sous une apparence banale : après tout, les pires monstres sont ceux du quotidien et ils sont le quotidien de Gene, le narrateur. A mon sens, celui-ci est d'ailleurs une des brillantes réussites de cet ouvrage.

Là où la plupart des dystopies young adult font le pari peu osé de s'appuyer sur le schéma classique de la jeune fille soumise qui va se révéler au fur et à mesure de l'intrigue pour finalement déployer ses ailes et devenir une héroïne plus ou moins indépendante (pour peu qu'une amourette futile ne nous la rende toute guimauve en cours de route), le roman "Traqué" tente une immersion en terre inconnue en nous proposant un personnage masculin, solitaire, ayant appris à survivre dans un monde qui le rejette pour ce qu'il est : un homiféré, pire un objet de consommation. La survie n'est pas seulement l'affaire de la Traque qui nous est vendue en quatrième de couverture, elle est une réalité permanente de l'existence de Gene qui a déjà perdu tous ceux qu'il aimait par la faute de ceux parmi lesquels il continue pourtant d'évoluer jour après jour. Cette pression constante qui pèse sur ses épaules adolescentes dont on comprendra peu à peu qu'elles sont bien plus frêles qu'il ne souhaite le montrer nous conduit à assister à un intéressant jeu autour des émotions. Puisque ces créatures n'en éprouvent aucune, alors Gene les imite depuis des années sans réaliser qu'il délaisse de plus en plus ce qui fait de lui leur proie : son humanité. Tantôt sarcastique, tantôt pragmatique, Gene a su me séduire malgré la certaine froideur de ses réactions. J'ai apprécié la réflexion que cette perte d'affects soulevait sur la nature même de l'être humain et ce qui le distingue finalement de la bête.

Nous nous prenons parfois à approuver les comportements du narrateur, à lui accorder notre compassion lorsqu'il nous confie des souvenirs douloureux, puis nous le réprimandons quelques lignes plus tard lorsqu'il nous semble  devenir tristement implacable, presque méprisant envers les homiférés... Si proche finalement de ses prédateurs.

Quant à son évolution et les rencontres qui la parsèment, elles sont amenées avec justesse grâce à une trame bénéficiant d'un rythme haletant, sans nul répit. Nous survivons à ses côtés, nous subissons la préparation de la Traque car oui, malheureusement, celle-ci ne se concrétisera que dans les derniers chapitres du roman. Étant le premier tome d'une saga, j'ose imaginer que celle-ci se poursuivra et que cet axe du récit sera davantage exploité dans les tomes suivants puisque c'est cet aspect qui me paraissait des plus prometteurs lors de ma lecture de la quatrième de couverture. Je suis donc un peu demeurée sur ma faim (ou ma soif en l’occurrence !).


Même si quelques incohérences et conjectures faciles subsistent (notamment quant à la sélection des participants à la Grande Traque comprenant un homiféré de trop à mon goût, alors que ceux-ci sont censés être une denrée rare), elles ne viennent que légèrement ébrécher un récit qui frôle le sans faute et le coup de cœur pour la lectrice que je suis. 

Adeptes de dystopies, je ne peux que vous recommander sanguinairement cet ouvrage que je suis certaine de vous voir dévorer dans la même course effrénée que celle que j'ai partagée auprès de Gene.




Points positifs :
  • Une dystopie originale, qui parvient à déclencher notre instinct de survie en nous plongeant efficacement dans son univers inquiétant.
  • Un personnage principal intriguant, des personnages secondaires bien traités.
  • Une atmosphère pesante, angoissante, délicieusement dangereuse.
  • En filigrane, une réflexion sur la nature même de l'être humain.

Points négatifs :
  • Une promesse de traque non respectée dans ce premier tome.
  • Quelques coïncidences trop convenues et des passages peu crédibles !




Ouvrage lu dans le cadre du Challenge "Et le monde changea" de Mort Sûre




Aelinor

2 commentaires:

  1. Bonjour, votre site web est fort intéressant, si vous désirez partager votre passion je serai ravie de vous acceuillir sur http://poetikart.forumactif.org/

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    1. Bonjour Maia Sandrine,
      Je vous remercie pour votre commentaire ! J'irais avec plaisir visiter à mon tour votre forum.
      Livresquement,
      Aeli

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